Le patriotisme économique, à savoir le fait de privilégier les produits en provenance de et/ou fabriqués dans son pays, est une préoccupation courante en période de crise. En France, depuis la crise de 2008, l’attrait pour les offres nationales s’est renforcé, en réponse à une conscience citoyenne (une volonté de faire vivre une économie locale, de préserver l’industrie française etc…), à une conscience environnementale (le plus on produit près, le moins on pollue) et tout simplement à un désir de qualité. Avec la crise du Covid-19, l’origine France et le Made In France ont un bel avenir… à priori. Nous avons vu les risques liés à une trop forte dépendance à l’extérieur et nous commençons à percevoir les conséquences économiques d’un manque d’autonomie. Selon Bartolomé Lenoir, fondateur de la Chaise Française, « pour la première fois, l’idée d’une indépendance économique de notre pays bascule du côté plus du bon sens que de celui de l’idéologie [1]». Un changement nécessaire pour garantir notre sécurité et notre puissance économique. Demain, exit la Chine, Taiwan ou l’Inde, bonjour les produits signés France.
Mais ce nouvel impératif cohabite avec une autre réalité, celle du prix réel et du portefeuille des français. Dans les sondages, les français se disent prêts à payer plus chers pour la relocalisation de produits essentiels et le Made In France[2]. Et pourtant, lors du confinement, le monopole des fruits et légumes français (et leurs prix avec) dans les rayons de supermarchés n’a pas fait que des heureux.
Alors, la démocratisation de l’origine et du Made In France, est-ce un rêve lointain ou une réalité qui peut s’ancrer dans le quotidien des français ? Quelles seront les attentes des consommateurs vis-à-vis des marques sur leurs engagements ? Si tout le monde demain devient produit ou fabriqué en France, comment les marques qui en ont fait leur UVP (Unique Value Proposition) parviendront-elles à émerger ?
Le Made In France, niche un jour, niche toujours
Les marques Made In France, ce sont celles qui fabriquent et transforment leurs produits sur notre territoire (l’origine française de la matière première n’est pas une obligation). Derrière le Slip Français, La Chaise Française ou le Chocolat des Français, des jeunes entrepreneurs qui avaient pour ambition de redonner vie à une industrie en péril, de valoriser le savoir-faire et l’artisanat français et de proposer des produits de qualité. L’ancrage français est au cœur de la proposition de chacune de ces marques.
© Le slip Français
© La chaise Française
© Le chocolat des français
Bien qu’elles aient bénéficiées d’une aura positive et d’une forte couverture médiatique, ces marques restent niches. Car qui dit main d’œuvre française, dit coûts élevés et prix élevés, et donc inaccessibilité. A titre indicatif, le prix moyen pour un boxer du Slip Français s’élève à 40 euros. Ainsi, elles ne sont pas compétitives face à des grands acteurs internationaux et ne jouent tout simplement pas dans la même cour : en 2018, le chiffre d’affaires du Slip Français s’élevait à environ 20 millions d’euros[3], tandis que celui de Hanes France (Dim) était de 297 millions d’euros la même année[4]. Mais finalement, l’ambition de ces marques n’est pas forcément de faire du volume sur le territoire français, mais plutôt de faire rayonner une certaine idée de la France et de s’exporter à l’international. Chacune d’entre elles vend un idéal français, en reprenant les clichés (les trois couleurs iconiques bleu, blanc et rouge notamment) avec un twist contemporain, un ton joueur et décalé.
Et donc demain ?
Des nouvelles marques Made In France vont naître, car la tendance va se confirmer. Mais, les coûts de production sur le territoire français resteront à priori incompressibles et donc les prix élevés se maintiendront. Ainsi, cela restera un achat occasionnel, réservé à une clientèle privilégiée urbaine française ou internationale. Pour se différencier, ces marques ont tout intérêt à explorer davantage les différents univers entourant la France, comme le fait si bien le Chocolat des Français avec leurs packagings arty décalés.
L’Origine France, une démocratisation plus certaine
L’alimentation, ce n’est pas un slip ou une chaise. L’alimentation, c’est la santé et la santé, ça n’a pas de prix. En effet, avec les scandales alimentaires des dernières années (de la vache folle à la lasagne au cheval), les consommateurs attribuent la bonne alimentation à la bonne santé. Ainsi, 79% d’entre eux déclarent être prêts à acheter un produit alimentaire plus cher s’il contient des ingrédients de qualité[5]. L’origine France, du fait de la connaissance de sa provenance, implique une meilleure traçabilité et transparence. Cet élément de réassurance clé avait déjà gagné en popularité avant la crise, à l’instar du développement des AMAP ou des marques comme Bonduelle et Charal qui apposaient un label « Origine France » sur certains de leurs packagings. Etape importante : Un mois avant la crise du Covid-19, Intermarché avait annoncé le lancement d’un Franco-Score, apposé sur les packagings des marques de l’enseigne, qui indique le pourcentage des matières produites en France du produit. E.Leclerc a annoncé à son tour une démarche similaire, « Savoir d’Achat ».
© Intermarché, Le Franco-Score d’Intermarché
Et donc demain ?
Les consommateurs demain vont se tourner davantage vers des produits alimentaires français, car la crise du coronavirus a changé tant les esprits que les pratiques. Ils sont 93% à déclarer vouloir que l’Etat garantisse « l’autonomie agricole de la France »[6]. Pendant le confinement, les producteurs ont mis en place des plateformes de mise en relation directe au consommateur en un temps record, pour garantir la vente de leurs produits. Même le marché Rungis a ouvert son marché en ligne accessible à tous ! Cela est voué à se développer et se professionnaliser davantage.
© Mon Marché de Rungis, pour une livraison directe du marché au consommateurfinal
Mais on peut imaginer qu’au final, les grands gagnants de cette transition, ce seront les distributeurs. Hier, ils ont nourri la France en période de confinement. Demain, ce seront les plus à même à proposer des produits origine France à un prix juste (pour le consommateur du moins) et au plus grand nombre. Ils vont se positionner comme les leaders de ce nouvel impératif et les défenseurs de l’économie nationale. Avec eux, l’Origine France passera de valeur ajoutée à contrat de base et le secteur alimentaire va s’aligner. Pour se différencier, les marques vont chercher à aller plus loin dans l’engagement, comme par la mise en place d’initiatives en faveur du tissu économique national et local. Ou alors en allant plus loin dans le local : Des marques comme BAP-BAP, une bière « Brassée A Paris Bue A Paris» ou La Limonaderie de Paris, fabriquée à Nanterre, ont déjà ouvert la voie. Et du local, pourquoi pas le saisonnier comme prochaine étape ? A l’instar du yaourt Danone aux Fruits d’ici lancé en mars 2020, sans additif avec une liste d’ingrédients courtes et 100% locale. L’élément différenciant : les saveurs vont varier en fonction des saisons et de la disponibilité des fruits.
De nombreux bouleversements vont se produire dans les mois à venir, mais chez SUB, nous sommes convaincus d’une chose : La France a de beaux jours devant elle !
© Danone aux fruits d’ici, des ingrédients qui varient selon les saisons
© Bière BAPBAP, bière artisanale de Paris
Sources :
[1]https://www.lefigaro.fr/vox/politique/l-epidemie-de-coronavirus-une-opportunite-pour-le-made-in-france-20200306
[3]https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Slip_français
[4]www.Societe.com
[5]https://www.ania.net/alimentation-sante/barometre-les-francais-et-lalimentation